BESNARD Jacques, Pierre, Victor
Né le 18 novembre 1916 au 2, rue Brézin à Paris 14ème, fils de Pierre Charles René BESNARD et de Lucie Victorine LEMOINE, célibataire, juge d'instruction, arrêté à Château-gontier (Mayenne), mort en déportation le 27 décembre 1944 au camp de concentration de Buchenwald en Allemagne.
Carrière professionnelle :
· Nommé à titre temporaire substitut du procureur de l'Etat à Saint-Quentin dans l'Aisne le 6 septembre 1940, demeure 11 rue de Lorraine à Saint-Quentin, est aussi avocat stagiaire.
· Obtient son examen professionnel à la 1ère session de 1941.
· Postule pour des postes à Angers, Poitiers, Bordeaux, Dijon, Paris, Rennes et Orléans.
· Nommé juge suppléant à Rennes le 1er octobre 1941
· Suppléant à Nantes, délégué à Quimper le 29 septembre 1942
· Nommé juge 3ème classe à Lannion le 15 mars 1943, installé le 16 mars 1943.
· Nommé juge d'instruction à Lannion pour 3 ans le 15 mars 1943.
· Nommé juge 3ème classe à Château-Gontier le 1er juillet 1943.
· Nommé juge d'instruction à Château-Gontier pour 3 ans, le 1er juillet 1943.
· Elevé 2ème classe le 1er mars 1945.
A une époque il se consacre aux questions concernant les mineurs.
Sa mutation à Château-Gontier est un échange de poste pour arranger un collègue Monsieur TURMEL (dont l'épouse est de santé fragile) qui occupe les mêmes fonctions de Juge d'Instruction.
Arrêté par les autorités d'occupation le 25 septembre 1943 à son domicile de Château-Gontier, qui l'accusent " d'avoir sciemment fait libérer une série de personnes au sujet desquelles il avait été prouvé qu'elles s'étaient rendues coupables d'activités communistes ou de détention illicite d'armes ".
Détenu en cellule durant 6 mois dans une prison de Rennes, son état de santé inspire des inquiétudes.
Sa hiérarchie est intervenue pour le défendre, jugeant qu'il avait effectué son travail dans le respect de la loi.
La mère du Juge Jacques BESNARD, demeurant 3 rue Félix Bigot à Château-Gontier, est intervenue par lettres, auprès du Ministre de la Justice le Garde des Sceaux :
· le 20 mars 1944
· le 7 avril 1944
Appuyant ses demandes de libération de son fils compte tenu du fait qu'il est depuis 6 mois détenu en cellule avec un mauvais état de santé, que dans le cas de maintien en détention son état risquait d'être rendu irréversible.
Dirigé sur Compiègne après le 20 mars 1944.
Départ de Compiègne le 27 avril 1944 au matin, arrivée à Auschwitz le 30 avril 1944 au soir, faisant partie du convoi dit des " tatoués " comportant 1655 déportés. Matricule de Auschwitz : 185070.
Départ de Auschwitz le 12 mai 1944, arrivée à Buchenwald le 14 mai 1944. Matricule de Buchenwald : 52082.
Départ de Buchenwald le 20 juin 1944 pour Langenstein appelé Zwieberge B2, Malachit, Maifisch, qui était un kommando de Buchenwald.
Décédé le 1er février 1945 au camp de concentration de Buchenwald en Allemagne d'après le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, d'autres sources donnent comme dates de décès le 27 décembre 1944 et le 5 février 1945.
Adresses successives connues de Jacques BESNARD :
· Le 11 juin 1938 avec sa mère et sa sœur au 11, passage Félebien à Nantes (Loire-Inférieure)
· En 1940 au 11, rue de Lorraine à Saint-Quentin (Aisne)
· Le 27 septembre 1943 au 14, de la rue Dublineau à Château-Gontier (Mayenne).
Nommé juge d'instruction à Lannion le 15 mars 1943.
Au printemps 1943, la police de Vichy frappe un grand coup contre le parti communiste clandestin des Côtes-du-Nord. Marcel BREGEON un des responsables départementaux est abattu à Saint-Brieuc, André CAVELAN réussit à s'échapper à Châtelaudren. Mais les frères PROVOST de Lannion sont arrêtés. Au total, près d'une cinquantaine de militants sont mis sous les verrous. Le juge Jacques BESNARD est amené à se prononcer sur un groupe d'une vingtaine de jeunes communistes du Trégor arrêtés le 5 avril 1943. Ils étaient pour la plupart d'entre eux des ouvriers agricoles de Pleumeur-Gautier et de Plouguiel. Il les fait en remettre en liberté, parmi eux beaucoup de mineurs dont le rôle a paru alors au magistrat instructeur si effacé qu'il crut de lui-même devoir les mettre en liberté peu de jours après leur arrestation, en leur faisant bénéficier d'une ordonnance de non-lieu.
Trois mois plus tard, une seconde vague d'arrestations se traduit par les arrestations d'une cinquantaine de responsables des triangles du parti communiste clandestin dans le Trégor, en particulier à Lannion, à Plestin-les-Grèves et à Tréguier, ainsi que dans l'ensemble du département. Cette opération menée par la SPAC (1), en collaboration avec la Police de sûreté allemande détruit la direction du PC.
Mais cela ne suffit pas. Le S.S. HAMMER de Saint-Brieuc qui suit de près ces arrestations s'étonne alors de l'attitude du juge de Lannion dans un courrier au préfet, je cite : " Le juge d'instruction de Lannion a fait mettre en liberté provisoire les personnes mentionnées. Je n'ai pas été informé de cette mesure qui a été prise sans mon accord. Veuillez faire immédiatement procéder à l'arrestation des intéressés. Je me réserve de prendre des mesures contre les responsables de ces élargissements incompréhensibles. "
Dans le courant du mois d'août 1943, onze personnes, relâchés par le juge, seront à nouveau arrêtées, six d'entre elles profiteront, cependant de la situation pour quitter la région. Tous ces militants furent envoyés en camp de concentration, de même que le préfet des Côtes-du-Nord.
Yves TOANEN et Yves KERNIVINEN ne résisteront pas aux mauvais traitements subis en camp de concentration.
Les deux frères jumeaux Roger et Robert TROADEC reviendront après la Libération de leur camp.
Le geste courageux du jeune Juge ne passe pas inaperçu aux yeux de l'occupant.
Le 1er juillet 1943, il permute de poste pour rendre service à un collègue et se retrouve Juge d'Instruction à Château-Gontier dans la Mayenne.
Dans sa nouvelle affectation, il récidive et fait libérer un cheminot résistant.
Arrêté à son domicile par les Allemands le 25 septembre 1943 à Château-Gontier sous les yeux de sa mère et de sa sœur, il est interné six mois en cellule dans une prison de Rennes.
Sa mère intervient à plusieurs reprises pour obtenir sa libération compte tenu de son mauvais état de santé.
Sa hiérarchie intervient en démontrant que le Juge n'a commis aucune faute (avoir fait libérer des personnes soupçonnées d'activité communiste sans en avertir les autorités d'occupation). A la suite de cela une loi obligera un Juge à avertir les autorités d'occupation lors de la remise en liberté de personnes accusées d'activité communiste ou anarchiste.
Dirigé sur Compiègne après le 20 mars 1944.
Départ de Compiègne le 27 avril 1944 au matin, arrivée à Auschwitz le 30 avril 1944 au soir, faisant partie du convoi dit des " tatoués " comportant 1655 déportés. Matricule de Auschwitz : 185070.
Départ de Auschwitz le 12 mai 1944, arrivée à Buchenwald le 14 mai 1944. Matricule de Buchenwald : 52082.
Départ de Buchenwald le 20 juin 1944 pour Langenstein appelé Zwieberge B2, Malachit, Maifisch, qui était un kommando de Buchenwald.
Décédé au camp de concentration de Buchenwald en Allemagne le 5 février 1944, une autre source indique comme date de décès le 27 décembre 1944.
(1) SPAC : Section de Protection Anti Communiste appelée aussi la SRMAN (Service de Répression des Menées Anti Nationales
Arrestation et déportation de Jacques BESNARD
Cabinet du Garde des Sceaux
Paris le 7 juin 1944
Monsieur DE BRINON (2)
à
Monsieur le Garde des Sceaux
J'ai l'honneur de me référer à vos communications du 28 mars et du 9 mai 1944 concernant l'arrestation par les autorités allemandes de Monsieur Jacques BESNARD Juge d'Instruction à Château-Gontier.
" Je vous informe que Jacques BESNARD a été arrêté pour avoir pris des dispositions contraires aux intérêts allemands. Dans un procès engagé contre des communistes et des terroristes, BESNARD en sa qualité de Juge d'Instruction à Lannion (Côtes-du-Nord) à sciemment fait libérer une série de personnes au sujet desquelles il avait été prouvé qu'elles s'étaient rendues coupables d'activités communistes ou de détention illicite d'armes ".
Jacques FOURNIER
(2) DE BRINON Fernand :
Ambassadeur de France
Secrétaire d'Etat auprès du chef du gouvernement
Délégué Général du gouvernement Français dans les territoires occupés
Arrêté en Bavière en mai 1945, condamné à mort par la haute cour de Justice et exécuté le 15 avril 1947 au fort de Montrouge.
Télégramme du Procureur Général d'Angers au Ministre de la Justice
Le 25 septembre 1943
M BESNARD JUGE INSTRUCTION CHATEAUGONTIER
A ETE ARRETE CE JOUR PAR AUTORITES OCCUPATION
Angers le 27 septembre 1943
Le Procureur Général près de la Cour d'Appel d'Angers
à
Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
Arrestation le 25 septembre 1943 par la police allemande.
Vers 9 heures une automobile rouge dans laquelle se trouvaient 4 hommes vêtus d'habits civils s'arrêta devant le n°14 de la rue Dublineau à Château-Gontier où réside Monsieur BESNARD. Ils demandèrent à la propriétaire de l'immeuble de leur désigner la porte de la chambre de ce magistrat et s'assurèrent peu après de sa personne.
Avant son départ qui eut lieu vers 10 heures, Monsieur BESNARD put voir sa sœur, et lui dire qu'il était emmené à Rennes par la police allemande et que son arrestation devait être due aux conséquences d'une fâcheuse affaire communiste de Lannion qu'il avait instruite.
Il n'est pas invraisemblable que l'hypothèse de Monsieur BESNARD se révèle exacte, mon substitut de Château-Gontier précisant que l'activité du Juge d'Instruction de Château-Gontier n'avait pu susciter la critique des autorités d'occupation de cette ville.
Si Monsieur BESNARD ne rentre pas ce jour à sa résidence, le tribunal de Château-Gontier prendra une délibération en vue de confier l'instruction à Monsieur BREUIL Président du dit Tribunal.
Une démarche faite à ce jour par le Substitut Général auprès du chef de la SCHERHEITSPOLIZEI d'Angers aux fins des renseignements sur le motif de l'arrestation de Monsieur BESNARD n'a fourni jusqu'ici aucun éclaircissement à ce sujet.
Cabinet du Garde des Sceaux
Paris le 7 juin 1944
Monsieur DE BRINON (2)
à
Monsieur le Garde des Sceaux
J'ai l'honneur de me référer à vos communications du 28 mars et du 9 mai 1944 concernant l'arrestation par les autorités allemandes de Monsieur Jacques BESNARD Juge d'Instruction à Château-Gontier.
" Je vous informe que Jacques BESNARD a été arrêté pour avoir pris des dispositions contraires aux intérêts allemands. Dans un procès engagé contre des communistes et des terroristes, BESNARD en sa qualité de Juge d'Instruction à Lannion (Côtes-du-Nord) à sciemment fait libérer une série de personnes au sujet desquelles il avait été prouvé qu'elles s'étaient rendues coupables d'activités communistes ou de détention illicite d'armes ".
Jacques FOURNIER
(2) DE BRINON Fernand :
Ambassadeur de France
Secrétaire d'Etat auprès du chef du gouvernement
Délégué Général du gouvernement Français dans les territoires occupés
Arrêté en Bavière en mai 1945, condamné à mort par la haute cour de Justice et exécuté le 15 avril 1947 au fort de Montrouge.
Cour d'Appel de Rennes
Rennes le 3 juillet 1944
A ETE ARRETE CE JOUR PAR AUTORITES OCCUPATION
Le Procureur Général près la Cour d'Appel de Rennes
à
Monsieur le Garde des Sceaux Ministre de la Justice
J'ai l'honneur de vous adresser ci-contre les renseignements que vous avez bien voulu me demander par votre dépêche en date du 20 juin courant concernant des faits qui ont motivé l'arrestation par les autorités d'occupation de Monsieur BESNARD Juge d'Instruction à Lannion, nommé depuis en la même qualité à Château-Gontier en faveur de qui une intervention doit être faite par Monsieur le Délégué Général du Gouvernement dans les territoires occupés en vue d'obtenir sa libération.
Dans un précédent rapport en date du 27 mai 1943, je vous tenais informé de la découverte dans la région de Lannion d'une importante organisation communiste et terroriste dont la plupart des membres avaient été mis en état d'arrestation.
Les faits qui leur étaient reprochés avaient donné lieu à l'ouverture de 9 informations ; j'avais indiqué dans mon rapport le nom des individus impliqués dans chaque affaire, en précisant quels avaient été leurs agissements ; j'avais en outre signalé que ces 9 dossiers avaient été transmis aux Autorités Occupantes qui avaient été tenues au courant des faits au fur et à mesure de leur découverte. Ces procédures dont certaines relevaient de la compétence de la Juridiction de droit commun et les autres de la Section Spéciale, n'ont donné lieu à aucune observation de la part l'Autorité Allemande qui a retenu celles qui présentaient à ses yeux un caractère de gravité exceptionnelle à la charge d'un certain nombre de personnes. Il s'agissait pour la plupart de mineurs de 17 à 20 ans qui avaient été inculpés de s'être livrés à une activité communiste en diffusant des tracts ou en apposant des affiches. Le rôle des mineurs parut alors au magistrat instructeur si effacé qu'il crut de lui-même devoir les mettre en liberté peu de jours après leur arrestation, en les faisant bénéficier d'une ordonnance de non-lieu. Je ne fus informé de cette décision que quelques jours plus tard.
Les faits qui leur étaient reprochés sont en effet légers, ils permettent de saisir la décision du jeune magistrat qui se croyait du reste autorisé à agir comme il l'a fait en vertu d'un texte alors applicable émanant des autorités d'occupation.
C'est à l'occasion de cette décision cependant que les mêmes autorités l'ont mis en état d'arrestation.
Suivent les faits analysés (liste des personnes arrêtées avec motif de leur arrestation).
Le texte dont il est fait mention plus haut revêt la forme d'une circulaire adressée aux Autorités Judiciaires Françaises. Il s'agit d'une note du Commandant en Chef des Forces Allemandes en date du 16 novembre 1942, portant sous la rubrique : " Détention Française " : " C'est aux seules Autorités Judiciaires Françaises, sans intervention des Autorités Allemandes, qu'il appartient d'entamer et de mener l'instruction en cas d'inculpation d'agissements communistes ou anarchistes. Les Autorités Françaises n'ont pas à notifier la détention de l'inculpé, pas plus qu'elles n'ont à solliciter son agrément pour sa libération. Il n'est pas nécessaire non plus de notifier la libération pour cause de non-lieu (3)".
La note en question prescrivait seulement d'obtenir l'autorisation des services allemands pour élargir les condamnés ayant exécuté leur peine.
Par la suite une circulaire de Monsieur le Garde des Sceaux en date du 2 juillet 1943 a bien décidé qu'aucune mise en liberté de communistes ou d'anarchistes ne pouvait être ordonnée sans consultation préalable de l'Autorité Préfectorale, mais cette circulaire n'était pas en vigueur au mois de mai 1943.
Au vu de la note précitée, il ne semble pas qu'un grief quelconque puisse être formulé à l'encontre de Monsieur BESNARD, pour avoir omis d'aviser les autorités allemandes de sa décision.
L'attitude du magistrat, tant professionnelle que privée, n'a par ailleurs jamais donné lieu à la moindre critique.